Fleurs des quatre saisons

Sur la sépulture de granit beige, la ronde des saisons apporte inlassablement son panel de couleur arc en ciel.  

Avril sublime sa tombe d’azalées japonaises et d’hortensias rosés tandis que les pensées flétries par l’hiver déploient avec délice leurs coroles jaunes et violettes.

Les bulbeuses finissent de faner mais j’ai la surprise de trouver deux petites jacinthes bleues outre-mer au pied d’un jeune cyprès.

La Véronique arbustive au feuillage panaché pointe ses délicats boutons, elle sera fière et belle pour le début mai, date anniversaire de son décès.   

Azalées japonica

Et puis vient la saison d’été, chaque soir, lorsque la chaleur est tombée, je monte au cimetière. C’est le temps des lauriers, des géraniums, des kalanchoes, des pétunias et des lys Incas.

J’aime cette petite promenade vespérale avec pour but sa pierre tombale et notre dialogue si particulier.

Je remplis mes arrosoirs, l’eau et mes pensées coulent au rythme lent et saccadé du robinet poussoir.

Le nouveau cimetière a toujours aussi peu de pensionnaires, c’est un grand champ qui sent l’herbe coupée, qui sent ce mois de juillet où nous nous sommes rencontrés, où nous nous sommes mariés, où nous nous sommes tant aimés.

Le temps ici n’existe plus, il est mort hier, il y a un an, un mois, 10 ans, il est vivant, je peux m’autoriser à sourire ou pleurer sur la pierre chaude où il gît, où il vit sans répit.  

Lys Incas

Les fleurs d’été tiennent jusqu’au gelées et puis vient la Toussaint. Le cimetière s’agite, devient un lieu de convivialité. Les tombes sont brossées, les plantes rempotées et puis le 1^er novembre, le grand cimetière devient un immense patchwork avec ses carrés jaunes, mauves, blancs, roses ou mordorés. Une débauche de chrysanthèmes pomponettes mais aussi des bruyères, des cyclamens et des coupes variées.

Comme chacun, je porte des fleurs d’automne et d’année en année je vois les petites pensées qui se ressèment toutes seules toute autour de la tombe et je les laisse aller.  

Boutons de chrysanthèmes

L’hiver est arrivé  les plantes aux feuillages verts reprennent toute la place et puis les hellébores de Noël et dès le début de l’année à tour de rôle, les perce- neige, les muscaris, les jonquilles que j’ai disséminés dans les pots et qui égaient  la pierre ternie de petites touches pastels.

Le cycle tourne en boucle sur sa tombe animée de sa vie

qui ne s’est pas vraiment arrêtée.

Il ne faut jamais oublier d’arroser les fleurs du cimetière, elles sont le reflet des belles âmes qui demeurent en ces lieux et qui nous protègent.

Héllébores