Un jour, je glisserai dans sa lumière*

Publié le 22 Mai 2016

Un jour, je glisserai dans sa lumière*

Quelle sensation étrange et oppressante d’avoir atteint le même âge que celui de sa mort. Mes pensées incontrôlables échafaudent que je vais mourir à mon tour car je n’ai pas le droit de vivre ce sursit.

Et puis, cet âge a passé comme les autres âges et j’ai basculé de l’autre côté de son âge de mort.

Dans ma tête le scénario s’enrichit sans cesse de croyances et de réflexions. Ce sont des images arrêtées de sa vie terminée et une lecture avant de mes années de vie qui s’ajoutent à sa date de mort.

Je vis de plus en plus vieille que lui

et lui reste jeune et à la fois vieillit aussi.

Un jour, je glisserai dans sa lumière*

Je me souviens d’une anesthésie avant une opération où j’avais très peur de mourir. Je me raisonnais en me disant comme Epicure :

« La mort n’est rien pour nous car tant que nous existons, la mort n’est pas, et quand la mort est là nous ne sommes plus ».  

Et d’un autre côté, je me disais que si la vie se poursuivait après ma mort, ce serait  merveilleux….

Le plus extraordinaire a été de me réveiller sur terre et

 de poursuivre auprès de ceux que j’aime.

Et pour lui, son heure est arrivée sans prévenir,  il a subitement basculé de l’autre côté du papier* et je ne peux plus désormais avoir peur car je sais que le néant n’existe pas.

De même qu’un nourrisson nait à la mort, mon défunt mari est né à la vie qui ne s’appelle pas la vie mais prend le nom qu’on lui choisit.  

Cocteau écrivait que le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants.

 Alors qu’elles sont ces empreintes de pas des défunts nouveaux morts ? Ils apprennent à marcher à l’envers* et impriment leurs traces dans les cœurs des vivants.  

Rappelez-vous, Dominique et moi sommes « Corps et âmes intimes »

Sa mort est un point de jonction avec un seul cœur qui bat à l’unisson et des ramifications de chaque côté de sa mort et de ma vie.

M’est revenue ce rêve de toute beauté (l’un des deux que j’ai fait dans les premiers temps de mon deuil).  

Je marchais sur du ciment frais d’une case où je venais d’arriver et j’ai lissé mes pas avant de me préparer.

 J’étais vêtue d’une longue jupe blanche plissée sur un jupon gonflé et d’une veste d’un vert d’eau très pale.

Lui était là, habillé au contraire de moi d’un pantalon de cette toile verte et d’une veste blanche.

J’avais de longs cheveux clairs bouclés et lui de longs cheveux bruns bouclés.

Je me suis regardée dans un miroir et je me suis trouvée drôlement habillée et sans âge.

C’était l’heure, je ne savais pas comment faire et il m’a dit de de ne pas m’inquiéter,qu’il allait me guider.

Nous sommes sortis de notre case et il y avait foule.

Quelqu’un a dit : « ils ont tellement soufferts qu’ils ont bien mérité ce jour ».

Je cherchais nos filles, elles n’étaient pas là.

Nous étions en haut d’une colline verdoyante. J’ai vu ma grand-mère maternelle avec son beau sourire et cette robe qu’elle portait pour notre mariage.

J’ai vu mes parents qui montaient la pente en courant et mon père qui m’a tendu un bouquet.  

Cheveux au vent et bras écartés, courant, glissant, volant sur l’herbe, nous nous sommes tenus par la main pour dévaler la colline entourés d’un halo de vert tendre.

Une clameur admirative a jaillit de l’assemblée tandis que des centaines d’enfants tout de blancs vêtus se sont mis à courir à notre rencontre. Ils volaint au vent dans leur robes de voiles avec des couronnes sur le front et des nœuds papillons blancs,

J’ai pensé que c’étaient des anges.

 J’ai enfin compris que je venais d’entrer au paradis et que nous étions en train de célébrer nos épousailles d’éternité.

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Publié dans #Réflexions

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S
J'ai été très touchée par votre texte... Je comprends chaque mot, ayant moi même perdu un être cher à mon coeur. Article très émouvant...
Répondre
Merci Sarah,<br /> Chaque personne ayant perdu un être se retrouvera dans les mots d'autres endeuillés. Parfois les mots des autres expriment les mots qu'on ne parvient pas à dire.<br /> De douces pensées