Le processus de deuil illustré par mon propre chemin

Publié le 16 Mars 2015

Le processus de deuil illustré par mon propre chemin
Le processus de deuil illustré par mon propre chemin

1ère étape du deuil : Le choc

Spectatrice ivre des secours apportés par les pompiers, des allers retours dans l'escalier et de l’annonce que tout est fini.

En état de choc comme si la scène n'était pas réelle.

Le médecin qui pose des questions auxquelles je répond très calmement.

Puis j'ai tout préparé comme un automate, les habits, le livret de famille et ce geste qui aujourd’hui encore me trouble, je suis allée cirer les chaussures de mon mari.

Et quand tout a été prêt, je me suis couchée près de lui et les premières larmes ont coulé silencieuses, il semblait juste dormir.

Et puis le film s'est poursuivi, la housse blanche, des gens qui m'ont fait signé des papiers. Il est parti sans moi pour la première fois.

La chambre, le lit vide m'ont brutalement réveillé de cette courte anesthésie.

Choc

Choc

2ème étape du deuil : Le déni

"J'ai fait un cauchemar, ce n'est pas possible, il va se réveiller"

"Chéri arrête de faire l'idiot, ouvre les yeux c'est pas drôle ce jeu là"

Il n'était pas malade, il ne s'est plaint de rien, il ne peut pas être mort

Puis je me mets à préparer les obsèques et sa mort est désormais officielle, le déni à son tour n'est plus de mise.

"Comment as tu fait ?" ai je entendu 10 fois ou encore "Avec les filles vous avez été admirables"

"Moi je n'aurais pas pu, ont même dit certains"  ; Mais toi, c'est pas ton mari, ta femme qui est mort(e)...........

Cette préparation est devenue évidente, indispensable.

Lui faire une cérémonie qui lui ressemble, qui nous ressemble, bien organisée comme il l’aurait élaboré pour moi.

Crier mon amour était vital à ce moment là, ma nourriture, mon sommeil, ma respiration.

Ces longs jours entre le décès et les obsèques ont en finalité été sans doute utiles pour prendre le temps chaque jour de le visualiser mort, pour prendre le temps de retracer sa vie. Chaque membre de la famille a pu mesurer les liens qui le liait au défunt.

3ème étape du deuil : La colère

Contre moi même, contre mon impuissance à le ranimer. Je suis formée aux premiers secours, j'ai agis vite mais ça n'a servi à rien.

Contre les pompiers et le médecin qui n'ont pas fait mieux.

Contre le Samu n'est jamais arrivé (dysfonctionnement parait t'il?).

"Madame votre mari n'a pas eu toutes ses chances"

Comment ne pas en vouloir à la terre entière?

Et cette culpabilité sous jascente.

"Si ça se trouve il était pas bien et il n'a rien dit".

"Si ça se trouve il a eu des signes et j'ai rien vu"

"Et la mort de sa soeur a du l'affecter plus que je ne l'ai mesuré et je n'ai pa su l'aider.

Et la colère envers ma belle soeur récemment décédée "Avais tu besoin de rappeler ton petit frère".

j'implore Dieu de me le rendre

j'implore Dieu de me le rendre

4ème étape du deuil : Le marchandage

J'ai marchandé avec Dieu : "10 ans de ma vie pour encore une minute avec lui"

Dieu n'a pas accédé à ma demande

 

Le processus de deuil illustré par mon propre chemin

5ème étape du deuil:  Tristesse et/ou dépression

Après l'agitation de la semaine des obsèques, la foule de l'enterrement, le grand repas de la famille élargie  c'est le VIDE

Le portail se referme sur ma solitude, les démarches, mon chagrin, ma peur.

Chacun reprend sa vie la où il l'a laissé, soulagé de regagner ses foyers et d'avoir été épargné par la grande faucheuse.

Le deuil commence réellement et je cherche mon mari partout avec la peur de l'oublier.

J'ai perdu mes repères, je ne sais plus qui je suis, où je vais.......une grande crise existentielle.

3 semaines après le décès, je tombe dans le grand trou noir. Je reste prostrée des heures entières enroulée dans une couverture, immobile en position fœtale.

Je me nourris de rien, je développe de grosses crises d'angoisse à ses horaires de rentrée vers 19h00 et des crises de panique au moindre bruit nocturne.

Je bloque mes portes avec des chaises, je développe des TOC de vérification, je prends le cocktail de médicaments prescrit qui me donne des effets secondaires mais qui me fait penser qu'il suffirait d'augmenter un peu la dose pour dormir pour de bon.

J'ai compris également plus tard, qu'un deuil modifiait la composition du sang et que les défenses immunitaires tombaient.

La fatigue est intense, j'ai mal partout et je pleure sans cesse.

Je ne peux me résoudre à bouger quoi que ce soit, ni ses pantoufles au pied du lit, ni sa brosse à dents, ni sa chemise sur la chaise.

J'entends sans cesse une voiture crisser sur le gravier qui me fait me précipiter mais ce n'est jamais lui.

Je me dis que je vais lui raconter ça ou ça et je me rends compte qu'il est mort.

Par moment c'est le contraire, je pars dans le jardin et j'effectue un travail de romain, je scie des branches, je brouette des pierres, je bêche la terre, je taille des haies, je tombe de l'échelle et je me relève. Je me fiche bien de tomber là. Si ça pouvait arriver d'ailleurs, ça serait le mieux.

Cette suractivité ressemble à une fuite sans doute pour tenter d'apaiser la douleur, tenter d'oublier un moment ce mal immense.

Ces premières semaine sont celles aussi ou je cherche frénétiquement dans les livres et sur internet des explications et des réflexions sur la vie, la mort, le deuil.

Je lis des dizaines de textes philosophiques, spirituels, psychologiques, des récits de vie, beaucoup m'aident.

Ces semaines là me mène à la limite de la folie, de l'épuisement, de la douleur.

Je pense qu'il va réapparaitre comme la sainte vierge à Lourdes.

Et malgré tout, j'ai en moi un instinct de survie. Je me fixe des petits défis quotidiens comme aller chercher le pain, me confronter au regard des voisins, aller voir mes collègues.

Je reprends le travail un mois plus tard pour retrouver quelque chose qui n'a pas changé, qui m’appartenait en propre avant le décès.

Pendant ces premiers mois si noir, si durs. L'entourage ne prend pas forcément la mesure de se qui se passe en nous. D’où l'importance de se renseigner sur le processus de deuil si l'on veut aider un proche.

On m'invite à gogo, on me dit d'aller voir des amis. On me demande si j'ai fait mon deuil, si je me projette et surtout on évite de me parler de mon mari alors qu'un endeuillé récent a ce besoin d'en parler tout le temps.

Pire, certains ne me demande plus rien me concernant, comme si un conjoint survivant n'existait plus pour la société.

De bonnes intentions pour aider mais souvent inadaptées dans les premiers temps.

Qui suis  je?

Qui suis je?

7ème étape : L’acceptation.

Trois ans plus tard, la vie, ma vie s'est poursuivie le plus souvent malgré moi, de temps en temps avec moi.

J'ai de nouveaux amis, de nouvelles activités, des challenges professionnels et même quelques projets plus personnels.

La vie reste cependant neutre avec ses petits plaisirs mais sans grande envie, ni enthousiasme.

Accepter???? Je n'en suis pas encore là. Le serais je jamais?

Le laisser partir

Le laisser partir

8ème étape:  La reconstruction.

Accepter d'être devenue une nouvelle personne.

Arrêter de se rebeller, de dire que ce n'est pas ma vie.

Faire que cette épreuve soit incluse dans le chemin.

Poursuivre les yeux ouverts, grandit avec mon amour dans mon cœur

Peut être le travail de tout le reste de ma vie

Poursuivre mon chemin de vie

Poursuivre mon chemin de vie

Rédigé par Véronique

Publié dans #Processus du deuil

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S
Mon Diru Véronique. Tu décris si bien tout ce qui s'est passé et se passe encore.. J'ai longtemps vécu comme un robot.. Seuls mes trois adolescents m'ont permis de résister à la volonté de partir.. <br /> Culpabilité? Oui beaucoup. Car les larmes sont moins fréquentes, car j'ai accepté de me dire en face que la solitude ne m'était plus supportable. Mais comment regarder Jean Marc en face? Puis j'ai compris que ma nouvelle histoire n'avait rien à voir avec la première. C'est un autre chemin, différent, avec quelqu'un de different et des projets différents. Et puis je me rends compte que je n'oublie rien, que je peux parler aux enfants de leur papa devant Jean Claude.. Que ses photos sont restées en partie dans la maison, qu'il a sa bougie que les enfants allument régulièrement. Il est toujours là. Avec nous. Je t'embrasse fort
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V
Sylvie je regarde ton histoire le cœur ouvert
Y
Comme nos histoires sont différentes tout en empruntant un chemin de deuil semblable !<br /> <br /> Notre vie s'est poursuivie, mais l'avons-nous suivie, c'est une autre question.<br /> Je crois que non, sauf si on admet que c'est par le force des choses.<br /> <br /> Mais notre force à nous n'a pas été de la suivre car elle nous emmenait vers l'abandon.<br /> <br /> Au contraire d'exister autrement, avec la personne disparue, sur une piste déjà en partie dessinée ensemble et en tentant d'avancer sans elle.<br /> <br /> Les amis, les attaches ont beaucoup changé.<br /> <br /> Nos objectifs sont devenus à court terme, sans trop de vue au lointain.<br /> Pourtant, tous ces petits pas ont fait avancer.<br /> <br /> Et toi, Véro, tu as su les faire, les forcer, donnant et recevant tout à la fois.<br /> <br /> Merci de tes mots; ils sont fidèles au chemin parcouru.<br /> <br /> <br /> Yohann
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V
Moi non plus Yohann, je ne crois pas que nous ayons suivi notre vie. Notre route à pris un tournant radical nous menant dans des chemins de traverse. En te lisant, j'ai l'image d'une jungle dense avec aucune visibilité et où tout peut arriver <br /> Le bout du chemin est connu pour tous: notre propre mort.<br /> <br /> Cette épreuve m'a souvent fait penser que l'objectif principal de la vie était la mort (un peu Lapalissade ma phrase) ou encore comment mourir en vie? <br /> <br /> Merci à toi de ces longs mois d'échanges épistolaires et de ton amitié. Les deux me sont précieux.<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Véro
M
Ah Véro, tous ces mots, tout tes mots sont miens. <br /> Nous avons pris le même chemin, moi plus tôt que toi dans le monde, mais plus tard que toi dans ma vie et la différence viendra de là. <br /> <br /> Je me retourne, spectatrice de ma vie et curieusement, je ne vois pas de point de rupture. Non, elle se déroule devant mes yeux, avec ses merveilles et ses drames, comme la ligne qui traverse ma main. Mais pas de point de rupture.<br /> <br /> Pourtant, nous en parlions il y a peu, il y a et il y aura toujours, un avant et un après. Comme il y a un avant et un après ma rencontre avec lui, mon homme. Mais tout me semble aujourd'hui se dérouler comme une pelote de laine.<br /> <br /> Parce que je suis née pour le trouver, j'ai grandi et appris pour l'aimer, je me suis battue pour le rendre - me rendre - heureux, j'ai failli mourir de l'avoir perdu, mais j'avance pour lui encore aujourd'hui. <br /> <br /> Ce chemin de deuil est long et si douloureux, mais ... oserais-je les mots qui vont choquer ? ... J'ose. ... si instructif aussi. <br /> J'ai tout perdu en le perdant,et surtout le bonheur de l'avoir, mais j'ai gagné aussi en profondeur. <br /> <br /> On dit que les hommes ne créent que dans la douleur. <br /> Je le comprends aujourd'hui. <br /> <br /> Marina
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V
Chère Marina dont l'histoire, les mots m'ont tellement porté quand je te lisais trois ans en arrière sur le forum TLD. A l'époque tu m'étais anonyme et tellement proche dans les ressentis que tu décrivais et l'espoir que tu insufflais.<br /> <br /> Nous sommes devenus amies, amies de deuil comme je dis souvent. C'est pas rien. <br /> <br /> Un avant et un après sans point de rupture, oui ça doit être ça la reconstruction. Tu me montres encore la voie et le travail à accomplir. <br /> <br /> Tu peux tout oser et je comprends bien ce que tu exprimes. Ce chemin de deuil est une introspection de nous même, de la vie, des autres. Il nous donne tant de pistes de réflexions. J'ai moi aussi tout perdu en le perdant mais je peux d’ors et déjà dire que j'ai gagné quelques unes de ses belles qualités. <br /> <br /> La douleur, les épreuves sont inhérentes à l'homme. Nul n'est épargné. Je ne sais pas si c'est pour mieux créer ou réinventer sans cesse. <br /> <br /> Avec toute mon affection <br /> <br /> Véro
S
Comment accepter l'inacceptable ?<br /> Comment accepter l'insoutenable ?<br /> <br /> Le chemin du deuil est le plus long et le plus difficile à faire, <br /> <br /> Rien, ni personne ne peut savoir ce qui se passe en chacun de nous, <br /> Nous sommes tous différents face à la mort, <br /> Mais nous sommes tous égaux, sur la route à parcourir après, <br /> Cette solitude obligée, comme imposée sans avoir rien demandé, <br /> Ce manque en soi, de ne plus se voir près de lui <br /> De se demander comme vivre sans lui, <br /> Avec un amour grandissant au fil du temps.<br /> <br /> Ne pas pouvoir accepter cette vie, cette injustice aussi, <br /> Les secours qui tardent toujours à arriver, voir ne pas arriver, <br /> Il faut du temps, des années pour apaiser son cœur,<br /> Et continuer de vivre en sentant sa chaleur.<br /> <br /> Quelle puissance ce blog !!!<br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> Marie
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V
Merci chère Souricette .
M
j'aurai pu ecrire la meme chose...comme beaucoup de personnes en deuil d'ailleurs, c'est fou comme les histoires, ou plutot les ressentis se ressemblent...cela fait 11 mois que mon mari est parti, brutalement d'un accident, je suis passée par les memes etapes, sauf que je suis encore dans la colere, dans les pourquoi moi, pourquoi lui, pourquoi nous...
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V
Merci Martine de ce message directement sur le blog. Le passage dans la deuxième année est difficile. On revit tout ce qui s'est passé et c'est la fin des premières fois sans lui. Courage à toi, tu avances bien avec force et courage. Gros bisous