J’ai été impuissante à le retenir mais tellement apte à l’aimer
Publié le 14 Janvier 2016
Si ça se trouve, il n’était pas bien et je n’ai rien vu …j’aurais dû être plus attentive, j’aurais dû dire, faire, penser…
Et je n’ai même pas été capable de le réanimer.
Après en avoir voulu à la terre entière, aux pompiers qui n’ont pas pu le sauver non plus, au médecin qui n’a rien pu faire, au Samu qui n’est pas venu …la colère se retourne contre moi même.
Une culpabilité qui envahit tout, qui détruit, me rend encore plus faible, plus vulnérable.
J’imagine que je suis jugée et en fait c’est moi qui me juge mal.
Cette impuissance me confronte aux limites de mes capacités, à l’inéluctable que je rejette avec violence.
J’ai beau trépigner, hurler que ce n’est pas juste et renforcer mes propos en racontant tout ce que j’ai tenté, rien n’y fait.
Cette colère contre moi-même exprime combien mon mari m’était cher, combien les liens qui nous rattachaient étaient solides, combien il me manque.
Mais culpabiliser est quelque chose d’abstrait. Une élaboration de ce qui aurait pu se passer si…
Je rejoue dans ma tête des scènes imaginaires qui inversent la fin de l’histoire.
Je m’auto punie d’hypothétiques options qu’il aurait fallu prendre, qu’on me souffle que j’aurais dû prendre.
Les petites réflexions de l’entourage enfoncent le couteau au cœur de ma souffrance.
Mais en réalité, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour sauver celui que j’aimais par-dessus tout.
Ce sentiment de culpabilité me fait comprendre puis peu à peu admettre que je dois rester humble devant la mort. Ni moi, ni le corps médical n’a eu de supers pouvoirs qui auraient permis qu’il ne meurt pas.
J’ai été impuissante à le retenir mais tellement apte à l’aimer.
Le deuil est une peine, un chagrin causée par son absence mais ce n’est pas une peine dans le sens d’expiation.
Je ne suis punie de rien et surtout pas de ce que j’imagine qu’il aurait fallu dire ou faire.
Le temps a passé, le traumatisme initial reste gravé et tout mon être s’affole lorsqu’il est question de crises cardiaques, de massages cardiaques, de défibrillateur…
Je sais parce que je l’ai vécu que lorsque notre heure est venue, il faut partir !