Chapitre 5 - Je voulais vous dire que je vous aime
Publié le 20 Mars 2015
J'ai découvert avec beaucoup d'émotions combien Dominique était aimé et important pour beaucoup de monde. Tous les témoignages pendant et autour de ses obsèques ont été autant de liens qui l'ont rendu encore plus beau, plus unique et plus indispensable.
Ce rituel des hommages et des lettres de condoléances ont été autant de petites perles d'amour, d'affection, d'amitié, de confraternité, de respect pour clôturer sa vie avec regrets mais aussi avec la force de son sourire pour poursuivre.
J'ai découvert également avec beaucoup d'émotions et je dois même dire de surprise combien j'étais importante pour beaucoup de gens de mon entourage.
On dit rarement aux gens qu'on les aime et qu'ils sont précieux pour nous.
Et le deuil m'a apporté toutes ces marques indélébiles de soutien.
Alors que ma perte était immense, que je restais démantelée sur le bord de la route, de multiples mains se sont tendues pour me tenir la tête hors de l'eau, me jeter une bouée, m'aider à respirer.
En voici quelques exemples:
Quinze jours après le décès de mon mari, un dimanche matin, j'ai vu débarqué une amie. Une jeune maman qui s'est débrouillée pour faire garder ses enfants et est venue me serrer dans ses bras et s’assurer que je mange un peu. Elle avait apporté une brioche odorante et son sourire qu'elle tentait de rendre joyeux.
Ce fut la première personne qui m'ai permis de parler de mon mari, de mes ressentis. Nous avons des semaines durant échangé de longs mails où j'ai verbalisé mon amour et ma peine, où elle a accueilli mes maux.
Je n'oublierais jamais ce que tu as fait pour m'aider chère amie.
Il y a eu aussi cette grand-mère du quartier qui m'a déposé un bouquet de muguet. Petite dame à vélo, toute mince et discrète qui m'a offert les dernières clochettes de son jardin dans ce simple geste inestimable.
Et puis cette autre amie qui des soirs durant m'a envoyé des SMS pour me souhaiter une nuit sereine. Petites trêves régulières et apaisantes avant les affres nocturnes.
Et ma sœur de cœur qui lors des ses appels, SMS, mails, visites m'a insufflé de doux messages d'espoir, m'a montré le chemin pour me relever de l'épreuve. Elle qui a bien failli perdre son fils et qui deux années durant a lutté avec lui jusqu'à en perdre sa propre santé.
Des mots rassurants comme "tu peux m'appeler jour et nuit", j'ai toujours mon portable à mes côtés"
Je sais que tu es là et que tu veilles sur moi malgré le temps qui passe.
Ce voisin que je connais à peine qui m'a donné son numéro de téléphone portable "au cas où".
Ma mère qui appelait chaque jour et m'envoyait des messages multi-quotidiens et qui a chacun de ses séjours remplissait mon congel de ses bons petits plats.
Ah, si elle avait pu prendre un peu de ma peine maman, je sais bien qu'elle l'aurait fait alors qu'elle même était si affectée.
Une amie qui comme par hasard promenait son chien dans mon quartier et passait juste s'asseoir et pleurer avec moi sur mon canapé.
Et toutes mes collègues qui m'ont envoyé de longues semaines durant des messages d'affection, leurs douces pensées, leurs bras chaleureux, leurs visites. Je revois l'une d'entre elle, recroquevillée les yeux humides à mes côtés me dire " Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai été touchée comme si c'était toi qui était morte".
La plupart de mes collègues ne connaissait pas mon mari mais ont approché le cœur de ma souffrance .
Je garderais ma vie entière le moindre mot et attention de chacune.
Et les collègues, les collaborateurs, les supérieurs, les élus qui travaillaient avec mon mari m'ont fait partagé des bouts de sa vie au travail me le rendant encore si vivant.
"Dominique était une belle personne, de celles qui ne peuvent que danser avec les anges. La preuve : il avait toujours le sourire même au cœur des difficultés" m'a écrit une dame qui travaillait avec mon époux.
Et le curé, les dames de la paroisse ont été des petites présentes discrètes apportant qui un livre, qui une belle image, qui une phrase d'apaisement ou de réflexion.
Chacun disait, "ce n'est rien" et moi je répondais c'est tellement.
Chaque petit geste qui m'a permis de me sentir encore vivante, digne d’être toujours sur terre alors que lui était mort ont été des pierres précieuses à l'édifice de ma reconstruction.
Avant de reprendre le travail, je suis allée rendre visite à chacun des résidents de mon EHPAD et toutes ces vieilles personnes m'ont consolé. Tous savaient ma souffrance, tous avaient perdu leur conjoint et pour certains des enfants.
Une dame de forte corpulence m'a serré dans ses bras et m'a bercé comme un petit enfant. Quel bien m'a fait cette résidente. Elle qui avait perdu deux fils jeunes savait mieux que quiconque la profondeur d'un deuil.
Puis il y a eu le forum Traverser le deuil, nos échanges, le partage de nos peines, nos rencontres et nos amitiés. Ma petite sœur de peine Claire, mon confident Yohann, mon modèle de courage Marina, la lointaine Caroline du Canada, la toute jeune Alexandra, André, Carinne, Elodie, Marie-Jeanne, Suzanne, Blandine et Leda......et tant d'autres.
Dans la détresse extrême, j'ai appris à recevoir, à ouvrir mon cœur, à ne plus avoir honte et à accueillir toutes ces attentions comme autant de petits moteurs de vie.
J'ai appris à accueillir les bienfaits d'autrui, juste en disant merci.