Chapitre 6 - Je suis venu vous dire que je m'en vais et vos larmes n'y pourront rien changer

Publié le 23 Mars 2015

Chapitre 6 - Je suis venu vous dire que je m'en vais et vos larmes n'y pourront rien changer

Une semaine s'est écoulée depuis le décès et nous nous rendons pour la dernière fois au funérarium.

Dernière vision du visage de mon amour, dernier baiser avant qu'il ne repose dans son cercueil.

Peu après nous roulons lentement derrière le corbillard. Le paysage familier défile brouillé sur fond de mon cœur agité.

Voici déjà la rue de l’église. J'entends le glas et ma gorge se rétrécit tandis que ma poitrine se soulève en spasmes irréguliers.

La foule silencieuce est en arc de cercle et nous attend. 

Je vois du monde et je ne vois personne. Je suis perdue et j’attends moi aussi qu’on me guide.

Nous nous tenons par la main avec les filles pour suivre le cercueil dans l’allée centrale de l’église.

Nos talons résonnent incongrus sur le dallage de pierre tandis que nos yeux bleus ruissellent de chagrin.

Chapitre 6 - Je suis venu vous dire que je m'en vais et vos larmes n'y pourront rien changer

La cérémonie est menée par une dame préposée aux obsèques. Sa présence me convient mieux que celle d'un prêtre. Cette femme, mère et épouse comprend la déchirure que je suis en train de vivre et se montre sensible et touchée par notre histoire

Fançoise Hardy ouvre la cérémonie avec la chanson "Tant de belles choses"

Je m'accroche à chaque parole chargée de tellement d'amour et d'espérance.

"Même s'il me faut lâcher ta main sans pouvoir te dire à demain, rien ne déferra jamais nos liens"

"L'amour qui fait battre nos cœurs, va sublimer cette douleur "

"Je serai avec toi comme autrefois, même si tu pars à la dérive "

"Tu verras au bout du tunnel, se dessiner un arc-en-ciel
Et refleurir les lilas, tu as tant de belles choses devant toi"

Puis c'est mon tour. J'ai préparé un petit texte mais je n'ai pas la force de me lever, on me tend le micro pour que je puisse le lire de mon banc .

La douleur m'a complétement désinhibée et je déclame mon amour qui raisonne sans retenu, sous les voutes de la petite église.

Ma fille ainée se lève ensuite pour lire le texte que nous avons préparé toutes les trois. Un texte rempli d’anecdotes et de traits de caractère de leur papa.

Puis la famille, mon autre fille pour les lectures, les intentions de prières.

Le supérieur de Dominique clôture les hommages en retraçant la carrière de mon mari et en mettant en avant ses qualités professionnelles et humaines. Il lève enfin la main en direction du cercueil pour lui dire au revoir et étouffe un sanglot en disant que personne ne l’oublierait jamais.

La voix suave de Lalanne bourdonne ensuite un long moment en écho dans ma tête lourde :

"Tu verras, on se retrouvera , on se retrouvera, on se retrouvera..."

Lorsque je relève les yeux, les gens défilent sur deux interminables rangées. Des personnes connues et inconnues, des amis, des voisins, des connaissances, ses collègues, les miens.

Elles sont là les filles de la maison de retraite, elles m’ embrassent, me serrent et je murmure le prénom de chacune à chaque baiser mouillé.

Les chansons de Duteil à leur tour égrainent leurs paroles mélancoliques jusqu'à la dernière bénédiction. Chaque chanson de ce CD, qui date de l'année de notre mariage, semble avoir été conçue  pour les obsèques de mon chéri.

Chapitre 6 - Je suis venu vous dire que je m'en vais et vos larmes n'y pourront rien changer

Dehors, le monde est toujours là et regarde le cercueil regagné le corbillard et le monde nous regarde regarder le cercueil. 

La foule se disperse tandis qu'avec les proches nous nous rendons à pieds au cimetière.

Tout au fond dans le nouveau carré, un grand trou est creusé au milieu d'une prairie remplie de pissenlits. Mon cœur à nouveau rate des battements lorsque je comprends que c'est la dernière demeure de mon mari.

Mon gendre gratte un morceau triste de sa composition et tous ensemble nous lisons deux beaux poèmes.

La jeune femme des pompes funèbres nous tend ensuite des roses que nous jetons au fond du trou.

Je m’approche en dernier pour lancer mon petit bouquet composé d'une Véronique et d’une rose rouge, celui là même qui est resté toute la semaine près de Dominique au funérarium.

Quelque temps plus tard ma plus jeune fille m'écrivait:

  C'est tellement dur de parler de papa au passé. Quand j'ai vu le cercueil au fond du trou, je n'avais qu'une envie, pouvoir le rouvrir pour encore le revoir.

Maintenant Papa a pris le chemin des anges, il nous protège de là haut 

Chapitre 6 - Je suis venu vous dire que je m'en vais et vos larmes n'y pourront rien changer

Le fossoyeur recouvre le trou d'une grande tôle ondulée et les pompes funèbres installent les gerbes, les coupes, les plaques et les bouquets.

Repose en paix mon chéri sous ce beau parterre odorant et coloré, dans quelques temps tu auras une vrai tombe  (mais ce n'est pas pressé).

Rédigé par Véronique

Publié dans #Le chemin

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Commenter cet article
M
dominique te sourie de la haut et doit etre fiere de toi
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S
Juste des larmes sur ce texte tellement ma sensibilité est mise à nue...<br /> <br /> Tu as les mots qui perturbent, la douceur d'un amour, la dignité d'une femme forte, la caresse d'une maman, la blessure d'une femme.<br /> <br /> Comment supporter tout cela, qui peut d'ailleurs ?<br /> <br /> Courage ma Belle, <br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> Marie
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S
Juste des larmes sur ce texte, <br /> Rien à ajouter tellement ma sensibilité a été touché...<br /> <br /> Gros Bisous <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> Marie
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F
a chaque fois que tu ecris, je lis. et comme à chaque fois très émouvant.<br /> c'est comme si c'était hier. et tant de chemin parcouru depuis.<br /> bises.
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M
malgre la douleur dans ces moments la,on veut qu'il soit a cote de nous,mais non.<br /> et leur visage sont toujours present en nous avec le sourire.<br /> continue comme ca vero et dominique sera toujours present dans ton coeur
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Y
Malgré le temps qui a passé, difficile de revivre ces intenses moments d'émotion.<br /> <br /> Tous ces instants qui se succèdent comme une irréalité, dans une souffrance déphasée du vécu.<br /> On n’existe pas, on n’est plus rien, comme flottant dans un monde qui n’existe plus.<br /> Non, je n'ai pu vivre ça !<br /> Non, je n'en avais pas la force !<br /> Oui, j'aurais dû m'effondrer ... incapable !<br /> Cet accompagnement, comme le dernier parcours à deux.<br /> <br /> Agir, dire, être même, en ces moments d'immense solitude, ce moment même où on sent l'espace qui nous sépare s'agrandir pour devenir une rupture !<br /> La prise de conscience<br /> Le choc ... puis l'effondrement.<br /> <br /> Une semaine se passe entre le choc de départ et cet instant où tout est fini. Une période de douleur dans laquelle on avance sans se rendre compte, vers ce qui n’est déjà ... plus rien.<br /> <br /> Tes chants, mes chants, tes paroles, les miennes, tes symboles si magnifiquement représentés ici, était-ce de la force de notre part ou du désespoir ?<br /> <br /> Véro, c'est beau ce que tu relates avec l'émotion de ce moment, identique malgré le temps passé.<br /> <br /> Non, on n'a pas changé, on aime toujours, comme on l'a appris, … différemment.<br /> Gardant en nous le lien car il nous guide vers la vie … mais quelle vie ?<br /> Car Dominique est là, puisqu’en toi il continue à vivre et toi à partager.<br /> <br /> Ce qui était l'horreur est peu à peu devenu un lien paisible, avec ces accrocs, ces passages en points bas.<br /> Et pouvoir raconter ainsi, comme la chanson, ce vécu, c’est la trace du chemin parcouru mais jamais terminé.<br /> <br /> Alors, nos larmes séchées, on peut regarder devant nous !<br /> C’est la force qu’ils nous ont donnée !<br /> <br /> Bises, Véro, tu es forte et pleine d’émotion.<br /> <br /> Yohann
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V
En cherchant des photos pour illustrer, je suis de suite tomber sur cette dame en noir regardant partir la caravelle. <br /> La Santa Maria pour le passage sur l'autre rive. Moi j'y crois, elle était encore là. <br /> <br /> Il semble que mes textes provoquent une dose d'émotions que je ne mesure pas très bien. <br /> <br /> Mais comme tu le dis bien, c'est le chemin parcouru qui permet ceci. Il eu été impossible de relater en choisissant mes mots dans l'immédiateté des événements. <br /> <br /> Et il est vrai aussi que ce récit, comme mes poèmes....permet de poursuivre des liens plus apaisés, plus intériorisés.<br /> <br /> Bises<br /> <br /> Véro
J
Toujours aussi émouvant. ....aussi poignant....
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V
Merci Ju<br /> <br /> Bibis
S
C'est très beau ce que tu as écrit Véro; il m'a semblé revivre également la cérémonie de mon chéri , cérémonie agrémentée de témoignages , de chansons ...Je pense que c'est ce qu'ils auraient voulu comme au revoir...<br /> Tout cela n'est bien sûr qu'un premier pas sur le long chemin douloureux qu'est le chemin du deuil... Disons que ce premier pas , il est presque festif"; j'entends par là qu'on a le droit de parler et de reparler de lui, de revivre nos plus beaux souvenirs et de les partager. Les amis sont là ; la famille aussi...C'est plus tard que la descente aux enfers commence...
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V
Oui Suzanne, le rituel des obsèques rassemble du monde qui nous entoure. Le défunt est honoré.....<br /> On a le droit de parler de lui, de pleurer et on a pas encore repris la vie ordinaire.<br /> <br /> Bises
M
On ne mesure pas le supplément à la douleur déjà installée, dans ces enterrements tels qu'ils sont organisés chez nous. <br /> <br /> Qui n'a pas suivi le cercueil d'un amour disparu, aperçu des ombres noires recueillies à travers les larmes qui voilent le regard, entendu les sanglots de quelques autres, les murmures, les reniflements, la musique ou les chansons tristes et sombres... <br /> Qui n'a pas aperçu ce trou dans la terre, froid et hostile... ne peut imaginer l'impressionnant vide qui se fait au creux du ventre en ces instants.<br /> Comme si notre vie était aspirée par le néant, vers cette blessure dans la terre, au fond de laquelle il va être déposé, abandonné, enfermé. Définitivement.<br /> <br /> Quelle force il faut pour tenir. <br /> <br /> Je ne veux pas être accompagnée ainsi, je voudrais des couleurs, des arcs-en-ciel, des fleurs des champs, des ballons, des danseurs, des rires, des chansons joyeuses, des au-revoirs, pas des adieux. <br /> <br /> "Ne soyons pas triste de l'avoir perdu, soyons heureux de l'avoir connu."
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V
La tombe de Dominique demeure seule avec le columbarium dans le grand champ et j'aime ce coin de cimetière qui ne ressemble pas au cimetière mais qui donne sur notre rue (c'est la raison pour laquelle il repose"seul" ici par dérogation du maire). <br /> Les pissenlits commencent à fleurir en ce mois de mars et l'été ça sent l'herbe coupée.<br /> Je mets sur sa tombe les mêmes fleurs que chez nous et je dis que c'est une annexe de notre jardin. <br /> L'été je vais arroser en bermuda et tongs aux pieds et je fais atelier jardinage dans l'herbe à l'ombre de son monument de granit brun. <br /> C'est ça aussi la vie d'une veuve..........<br /> <br /> Des personnes se sont étonnés qu'il soit "seul" dans ce coin et moi j'aime nos têtes à têtes bucoliques. Cet emplacement nous ressemble et une amie l'an passé m'a dit "cette tombe est habitée". Cette réflexion m'a beaucoup émue. <br /> <br /> J'espère au fil des articles moins faire pleurer et montrer les avancées positives<br /> <br /> Grosses bises Marina<br /> <br /> Véro
C
une fois de plus mes larmes coulent devant un texte qui m ému a sa lecture tous ces moments auquels on ne pense pas et que tu nous fait partager je les vis comme si c était à moi que les choses arrivaient .Il est difficile de se mettre à ta place mais à travers toutes ces phrases tu nous les faits partager comme si on y était et comme si c était hier .Merci vero de ce que tu es ne change pas tu es unique bises
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V
Il faut avoir fait un bout de chemin pour décrire de cette façon tous ces moments (j'ai des bouts d'écrits de cette période et mes ressentis encore chevillés au corps).<br /> L'un des buts est bien celui là, essayer de rendre compte de l'intensité des moindres moments suite à un deuil. <br /> De la complexité à poursuivre. <br /> Des émotions, des ressentis sur la durée (même si tout semble aller bien).<br /> <br /> Les gens endeuillés le vivent mais les autres, les proches, les amis, les collègues ne savent pas. <br /> <br /> <br /> Merci de ton commentaire et de ton amitié<br /> <br /> Gros bibis