Chapitre 2 - Pour le meilleur et pour le pire
Publié le 10 Mars 2015
Reprendre mon journal de deuil. Partager l'intime de ma douleur initiale. Pour moi, pour d'autres...
Premiers jours
On se marie pour le meilleur et pour le pire jusqu'à ce que la mort nous sépare.
La mort est en train de séparer nos corps mais la vie vécue, le bonheur, les souvenirs et l’amour ont ils bien existés ou alors était - ce un rêve, une autre dimension ?
Le jour suivant le décès, je ne sais plus si je suis encore sur terre ou moi aussi au ciel. Je n'existe plus, je ne réfléchis plus, je souffre.
Je suis centrée sur cette douleur indéfinissable, jamais expérimentée, impossible à décrire, Je suis devenue DOULEUR.
Mes filles viennent de se retrouver et prennent conscience qu'elles n'ont plus de papa.
Cette douleur de mes enfants est tout aussi insupportable
que la mienne propre.
Une longue semaine sépare le décès de mon mari de ses obsèques. Des jours éprouvants au possible.
Je voudrais me terrer mais les membres de la famille se succèdent 6 jours durant. Chaque midi, des tablées de 10 à 12 personnes qui arrivent des quatre coins du pays
Ma mère, mon neveu assurent le quotidien, les trucs de la vie comme faire les courses, préparer à manger, faire le ménage.
Moi je suis dans un monde qui n’existe plus mais que je ne peux quitter. Je m'entends malgré tout m'excuser de ne pouvoir gérer.
De toute façon, je ne pourrais plus rien gérer,
ni ma vie,
ni ma maison,
ni mon travail.
Rapidement les gens oublient les circonstances qui les rassemblent.
Oh, ils parlent bien du défunt, ils s’inquiètent que je mange un peu mais la teneur des conversations prend un tour presque normal. Il y en a même qui plaisantent.
Avec le recul, je me dis que la plupart devaient être encore en état de choc et ne réalisaient pas qu'il était parti, qu'il ne prendrait plus jamais sa place à table parmi nous.
Je ne peux rien avaler et à peine boire. Maman me propose du yaourt, de la compote, de la purée comme à un bébé mais j'ai une boule dans la gorge qui m'empêche d'avaler.
Je cherche sans cesse à m'isoler pour regarder des photos, pour observer encore et encore ces longues années de vie qui ne demeurent plus désormais que sur papier glacé mais qui sont la preuve que notre vie de famille a existé.
Je m'enferme dans le bureau bleu et blanc qu'il vient de décorer sur le thème de nos voyages. Il y avait regroupé toute sa collection de sables récoltés au fil des années. De Moliets à St Malo, du désert de Tataouine aux plages de Guadeloupe.
A croire qu’il préparait son grand voyage en rénovant ce bureau un mois à peine avant sa mort.
C’était sa pièce. Son ordi est là sur le bureau, sa sacoche, son cartable le long du mur, son portable et ses clés de voiture sur le meuble, les dossiers bien rangés dans le placard. Tout est bien à sa place sauf lui.
Hier encore, il faisait ses comptes avec ses lunettes sur le bout de son nez et son rire éclatant qui remplissait la maison et aujourdhui il est mort. Je vais devenir folle.
J'erre de ce bureau au canapé, du canapé à la chambre à coucher. Prostrée et épuisée de chagrin, de larmes, de démarches et de répéter encore et encore ce qui s'est passé.
Les filles restent soudées, près de moi. Toutes les trois ne faisant plus qu'une.
Il nous faut encore trouver la force de préparer les obsèques.