Chapitre 3 - Jeune et déjà veuve

Publié le 13 Mars 2015

Chapitre 3 - Jeune et déjà veuve

ça n'arrive pas qu'aux autres. Sauf qu'on rejette au loin cette idée que ça peut arriver à soi.

« ça » c'est la mort de son conjoint. L'idée est trop insupportable, inimaginable. Il n'y a rien de plausible à mourir en pleine force de l'âge.

Et pourtant il y a en France environ 470 000 personnes de moins de 55 ans ayant déjà perdu leur compagne ou compagnon.

Il y a en France chaque année, 40 000 personnes qui meurent de mort subite cardiaque sans signe avant coureur comme mon mari.

 

Chapitre 3 - Jeune et déjà veuve

Ces veuvages là sont méconnus. Des hommes et des femmes jeunes, actifs avec de jeunes enfants, des ados, des étudiants et qui doivent immédiatement faire face financièrement, gérer le quotidien, leurs enfants, leur travail et faire un trait sur les projets de famille et de couple.

Chez nous, les filles venaient de prendre leur envol avec leurs compagnons, leur travail, leurs propres projets et nous redécouvrions la vie de couple sans contrainte, une seconde lune de miel.

Une courte trêve avant l'épreuve de me retrouver toute seule.

Et il m'a fallut entendre que j'avais de la chance que les filles aient fini les études, que j’avais un travail pour subvenir à mes besoins, que la maison était finie de payer.

Encore et toujours cette pseudo consolation que ça pourrait être pire.

Mais la souffrance d'autrui, n'a jamais consolé de la sienne.

A un moment donné, j'ai décidé de ne plus être affectée par les remarques maladroites.

Chapitre 3 - Jeune et déjà veuve

Autrefois une veuve portait le deuil deux années durant. Le noir comme signe ostentatoire de sa douleur, de son nouvel état. Les hommes plus sobrement arborait un brassard, un ruban au revers du veston.

Le port du deuil n'existe plus et il y a des jours où je l'ai regretté. Alors, je l'ai porté à ma manière, sans contrainte, juste parce que je n'arrivais plus à me maquiller, à porter des bijoux, des vêtements colorés, des jupes courtes ou des corsages décolletés.

La mise d'avant était celle d'une jeune femme gaie, amoureuse, heureuse.

La douleur enlève toute estime de soi et toute joie.

Je me fichais et je me fiche encore d’être devenue moche, enrobée, mal fagotée.

La première fois où j'ai esquivé un trait de crayon sous mes yeux cernés s'était avec l'espoir fou de l'entendre me dire "tu es belle".

Le mascara a ruisselé sur mon visage creusé.

 

Rédigé par Véronique

Publié dans #Le chemin

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S
Les remarques, les paroles sont toujours dites pour n'importe quelle occasion<br /> <br /> J'ai bien entendu, elle ne marche plus mais elle est vivante<br /> Ou "ah je pensais qu'elle était morte à Paris"<br /> ......"elle a une leucémie" et j'en passe<br /> <br /> Les gens ne comprennent pas la douleur que l'on peut endurer et encore moins savoir se taire que de dire des sottises<br /> <br /> La solitude que l'on trouve dans ces moments restent surement encore la meilleure façon de trouver une force de lutter face à la maladie, au deuil ect....<br /> <br /> Je me suis forgée un mur de remparts autour de moi, je n'ai plus écouter les langues, aujourd'hui, je vis dans ma bulle et presque plus rien ne peut m'atteindre.<br /> <br /> Triste Blog mais tellement réaliste quand on est passé par une phase terrible que nous donne le vie.<br /> <br /> Amitiés <br /> <br /> Marie
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V
Triste ce blog Marie (Souricette) car il nous ramène à des émotions palpables. Chemin de deuil car peu à peu j'espère que transparaitront les avancées, l'espérance.<br /> Ton propre vécu empli d'un peu de colère me semble t'il est palpable dans ton message.<br /> Bonne soirée<br /> Bises<br /> Véro
Y
La mort des uns n'adoucit pas la nôtre, du moins le décès que nous vivons.<br /> <br /> Ce qui est terrible, c'est cette sensation d'injustice face à la vie, à notre vie qui perd sa raison d'être.<br /> Pourquoi ?<br /> Et pourquoi donc cette absence à cette question simple ?<br /> <br /> Nous avions gagné le droit d'être heureux, nous avions fait le parcours sans doute le plus difficile, celui de l'amour résistant au temps, nous avions donné la vie et l'avions poussée vers son indépendance.<br /> <br /> Nous pouvions vivre pour nous-mêmes, pour être heureux dans des jours plus paisibles.<br /> <br /> Et seul(e)s, non préparés, non conscients mêmes de cette hypothèse, il nous faut nous mettre, ou plutôt on nous met dans cette fausse vie, privés de tout, de but et de notre amour.<br /> <br /> Jouer un rôle de veuf/veuve non appris parce qu'impensable, brutalement.<br /> Rien que ce mot faisait mal … sans doute irréel !<br /> Sans aide autre que des mots prononcés pour apaiser notre douleur et qui au contraire la cultivent.<br /> <br /> Abandonner son mode de vie, une part de soi-même comme tu le soulignes.<br /> S'habiller, être, ... non, maintenant, simplement, paraître.
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V
Non, les deuils des autres n'adoucissent pas nos peines, c'est même le contraire. Chaque décès nous ramène à notre épreuve.<br /> Veuve, il m'aura fallut tout ce temps pour parvenir à prononcer ce mot. Ce seul mot, tu as raison est si dur. Parvenir à le dire dénote d'une sorte d’acceptation du statut.<br /> <br /> S'habiller pour socialement rester dans la stricte normalité/neutralité.<br /> <br /> Nous avions accompli le mieux possible nos rôle de parents, d'éducateurs. Nous aspirions à de belles années de complicité encore plus développées avant d'entrer sereinement dans nos vieillesses en nous épaulant.<br /> Il ne sert plus à rien, de retourner en boucle ce qu'aurait été nos vies. Nos vies ce sont celles que nous avons là. <br /> Veufs/veuves. On a beau se rebeller encore et encore, ne pas en vouloir, c'est notre destin.<br /> <br /> Comprendrons nous un jour le pourquoi de cette douleur? Je l'espère<br /> <br /> Bonne soirée à toi aussi<br /> <br /> Véro