Angoisses et deuil
Publié le 24 Novembre 2015
J’ai déjà évoqué à plusieurs reprises les pertes secondaires du deuil. Toutes ces choses qui étaient gérées à deux ou par le conjoint.
En ce qui me concerne, je suis phobique automobile, je ne conduis pas. Une pathologie tardivement diagnostiquée, des efforts surhumains pour comprendre et me soigner. J’ai entrepris diverses thérapies qui ont partiellement calmé quelques angoisses et donné des éléments de compréhension de leur l’origine mais je reste avec cette impossibilité à conduire.
Je supporte depuis toujours, les remarques, l’ironie de gens qui ne comprennent pas qu’une phobie n’a rien à voir avec la volonté de faire…
Avec le deuil, de nombreuses personnes pensaient que n’ayant « plus le choix », j’allais forcément reprendre le volant.
Comme si mon époux si bienveillant « m’empêchait ». Il était l’un des seuls à avoir cheminé avec moi dans les méandres de mes angoisses, à les comprendre, les accepter et surtout les apaiser.
Mais comment fais-tu pour vivre sans conduire ?
Comment je fais pour être veuve, comment je fais pour supporter cette douleur et ce manque ? Comment je fais pour gérer toutes ces tâches qui m’incombent ?
Alors ne pas conduire, est une donnée parmi tant d’autre et est finalement assez secondaire en rapport de la perte et du manque de celui qui partageait ma vie.
Je suis lasse des thérapies, lasse des remarques des gens qui pensent que je trouverais une solution à mon veuvage en reprenant le volant.
Le deuil n’a pas eu cette faculté à me guérir de cette névrose. Le deuil a au contraire réactivé de nombreuses angoisses auxquelles se sont un temps surajouté des troubles obsessionnels compulsifs.
Des mois durant, le corps et l’esprit ont été dans un tel état d’affolement que je me suis souvent demandé si je ne devenais pas folle.
Dans les moments les plus pénibles, j’ai eu des pensées, des désirs d’hospitalisation. Une demande non exprimée de prise en charge, de sédation, pour ne plus avoir à penser, à décider, à me lever, à vivre.
Les deux psy qui m’ont suivi pendant 18 mois, n’ont pas eux même mesuré l’ampleur de ma détresse. Tous les deux se sont focalisés sur ma phobie à résoudre. Un but, leur but comme solution à mon écartèlement.
Il était trop tôt et ces deux nouvelles thérapies ont eu pour effet de m’éloigner encore plus loin de cette possibilité à reprendre le volant.
Aide toi, le ciel t’aidera. A un moment donné, c’est ce que j’ai décidé de faire avec courage.
Prendre soin de moi avec la même considération que je porte aux résidents de mon EHPAD. Un véritable projet pour traverser mon deuil, me reconstruire et parvenir à la résilience.
J’ai donc repris le volant de ma vie, j’ai repris la route par des chemins sinueux, inconnus, étroits.
D'étapes en étapes, j’ai cahoté sur cette voie instable. Et peu à peu, j'ai appris à vivre intensément l’instant présent, à vivre les yeux et le coeur ouverts, à attraper tous ces signes positifs.
Et aujourdhui je peux le dire, l'avenir est un mot qui a repris du sens.