Chapitre 11 : Le pouvoir des odeurs
Publié le 20 Avril 2015
Dans notre lit, sous la couette toute chaude de mon corps esseulé, je respire comme chaque jour son odeur d'eau de toilette que je vaporise sur son écharpe ou l'un de ses pulls. Cet médiocre substitue apaise un tant soit peu mon angoisse.
Je serre et j’embrasse une petite peluche, objet transitionnel apportant un peu de douceur et m'aidant à supporter cette séparation.
Je mets en place des attitudes que je sais pathologiques, des TOCS , des balancements de mon corps comme si je berçais le petit enfant que je suis redevenue.
Comme chaque matin désormais, je me lève sans but. J’ouvre les volets, je déjeune en face à sa photo sur le fond d’écran, c’est pathétique.
Aujourd’hui, il pleut à plein temps, je pense que l’eau rempli son caveau, qu'il doit avoir avoir froid
Je songe avec horreur au lent travail de décomposition qui s'opère dans les entrailles de la terre.
La SOUFFRANCE, cette mégère indomptée élabore dans ma tête des pensées de plus en plus torturantes.
Ce matin, j’ai trouvé le courage de toucher et de vider sa sacoche et son cartable de travail.
Une forte odeur de cuir inonde mes narines et me submerge d'émotions. Cette fragrance familière et nos parfums mêlés sur ma peau, c'est lui, c'est nous.
Ces odeurs ont le pouvoir de me plonger automatiquement dans le monde des souvenirs nostalgiques, de me faire pleurer tout en m'apportant un peu de soulagement.
J'ouvre fébrilement ses deux accessoires de maroquinerie avec la sensation de violer son intimité. Il trimballait sa vie dans son cartable. Je retire des dossiers professionnels, des documents personnels, son calendrier de vacances, son agenda, des stylos, une calculette, sa carte de cantine, des clés, le badge du parking de son administration, des cartes de fidélités...
Dans son porte feuille, des photos de moi et des filles et quelques billets que j'ai du mal à déposer dans mon porte monnaie.
Ces premiers rangements sont très pénibles, le soir venu je sombre dans une nouvelle nuit cauchemardesque peuplée de bruits étranges, de lumières aveuglantes.
Je saute du lit en sursaut , les pompiers viennent d'arriver pour le réanimer.
Et je m'écroule paniquée, en nage et en pleurs réalisant
qu'il n'y a plus à avoir peur car il est déjà mort.