Chapitre 19 : Journée de rencontre entre endeuillés - 17 novembre 2012

Cette idée germe sur le forum " Traverser le deuil "  à l’automne 2012 et elle enthousiasme un grand nombre d’entre nous.

Deux jeunes femmes du groupe prennent les choses en main pour organiser cette rencontre avec l’aide des deux modératrices du forum.

Nous fixons  une date, un lieu dans le centre de la France  et réservons un hôtel  avec une salle privée pour nous rassembler.

Et nous invitons Christophe Fauré qui répond présent et nous propose une petite conférence.

Nous regroupons  nos questions et préparons des photos de nos disparus pour les afficher le jour de la rencontre.

Voici les questionnements que nous avions soumis au Dr Fauré

Le décès
- Quand on a pas pu dire au revoir ?
- Le sens de l’épreuve?
La souffrance 
- La fuir/l’enfuir
La culpabilité dans tous ses états
- Peut -elle s’user comme les émotions ?
Notre deuil et nos enfants
- Comment les accompagner ?
- Quand on a peur de devenir une charge pour eux?
- Ceux qu’on a pas pas eu le temps d'avoir.
Les émotions/l'expression 
- Y a t’il une limite à user ses émotions, quand cela

devient t’il pathologique ?
- L’entourage se lasse alors qu’on a envie de parler de lui/d’elle en permanence.
La force 
- C’est quoi être fort/e pendant le deuil ? La force supposée.
- Ne risque t’on pas de retarder le travail de deuil, de vivre le processus  à retardement?
- Être trop fort et l’effet rebond, le contre coup
Quand le deuil se complique?
Y a t'il des deuils simples?
Comment reconnaitre les ressentis d'un deuil ordinaire ou pathologique?
Retrouver l’estime de soi
- Notre état de veuf/veuve (dénomination détestée par la plupart)
- Le regard des autres
- La perte d’identité
- La renarcissation/ se reconnecter à soi-même - Comment ?
Il/elle est intégré(e) à soi-même
- Comment s’en rendre compte, en être sur(e)?
Un nouveau sens – La reconstruction 
- Retrouver le goût de vivre  sans lui - l'envie
- Retrouver des plaisirs, de la satisfaction
- Aller vers les autres et s’ouvrir aux autres
Comment ?
Être amoureux
- Tomber amoureux/se pendant son deuil ou une fois le deuil traversé
Comment marche les mélanges des sentiments nouveaux et des sentiments qui n'ont jamais été rompus avec la personne disparue?
Comment savoir s’ils sont  réels ou une recherche d'affection, de sexualité, de ne plus vivre seul/e....
- Quand la culpabilité nous empêche de vivre pleinement un nouvel amour malgré les sentiments?

Le 17 novembre est enfin arrivé.

Nous sommes une trentaine de personnes à avoir fait le déplacement de tous les coins du pays. Pour la plupart une aventure, un investissement physique, psychologique et financier pour rencontrer nos pairs et écouter Christophe Fauré.

Karinne et Elodie  sont arrivées la veille. Elles nous accueillent avec de  grands sourires, simplicité et gentillesse.

Nous portons tous des badges avec nos pseudos du forum et nos vrais prénoms.
Et ce sont des embrassades et des émotions à chaque nouvelle personne rencontrée.

Nous nous mettons  à papoter tout naturellement  comme si nous étions amis de longue date.

Le groupe est jeune, dynamique, en mouvement, ça me frappe assez rapidement. Malgré nos deuils,  nous sommes en train de vivre.

Nous confectionnons  notre panneau : nos amours, nos enfants disparus sont là avec nous, familiers sur le tableau blanc.
Nous allons de groupes en groupes,  partager ou écouter les uns et les autres.
Je nous regarde rire et parler  comme  un groupe ordinaire. Il y a  des bavards, des timides, des blagueurs ….des personnalités diverses et attachantes…
Ça m’a fait si chaud au cœur.  Et je suis là au milieu de tous.  

L’après-midi,  Leda  et Blandine les modératrices du nous rejoignent avec Christophe Fauré.

Nous devenons des auditeurs attentifs. Le discours de Chistophe est doux et rempli d’humour.

Les sourires  se mêlent aux émotions et aux chagrins.

J’ai peu parlé dans cette journée extraordinaire.  Ce fut ma première vrai sortie en 7mois. Ma 1^ère initiative à faire quelque chose seule pour moi.  
 Je me suis nourrie des  propos, des belles attentions des uns envers les autres.  Je me suis sentie à ma place, normale.

 Cette rencontre a  été simple et belle et j’y ai puisé un regain de courage. Cette journée a été le premier tournant de ma vie d’après et  le commencement de belles amitiés.  
 

Comments

[Marina]

Je garde un étrange sentiment de cette journée.
Pour moi aussi, ce fut une des premières sorties de mon cocon de protection.

J'ai pris la route seule, vers ... quoi ? … Je n'étais pas inquiète.
Mélange des gens, mélange des genres. Une petite foule timide et souriante, la peur de paraitre trop triste ou trop gaie, de blesser, de déclencher une crise de désespoir.
Et Christophe Fauré, une étoile dans la nuit, un inconnu exprime avec les mots exacts, parfaitement exacts ce que je ressens ! Je suis donc normale, et s’il affirme que je vais aller mieux, je peux le croire. Espoir.
Je me souviens, que j’avais l’envie de tous vous serrer dans mes bras comme si j’avais le pouvoir de vous redonner le gout de la vie. Je me sens en avance sur le chemin par rapport à beaucoup. J’ai vécu une tragédie, mais vos histoires me paraissent tellement plus terribles, insoutenables que je finis par me trouver chanceuse.
Je ne sais pas encore que ce chemin là non plus n'est pas rectiligne, que des surprises, des écueils, des pièges, des peurs, des découragements, des larmes, des haltes, des remises en question, des rencontres ...m'attendent après chaque virage. Et qu’on en ressort grandit.

Pour moi, Bourges, cela a été la prise de décision d'accepter mon nouveau statut.
Oui, je suis veuve, je suis seule, et aussi, je suis veuve mais je sais encore rire, et si je pleure, je l'assume.
Je fais partie d’une communauté, solidaire et tolérante, à l’écoute et réactive. C’est le cadeau inattendu de ce deuil qui aura pu me détruire.